LA VOITURE ANOREXIQUE

20 04 2010

Colin Chapman, le génie à l’origine de la marque Lotus n’est plus de ce monde, mais sa façon de concevoir une voiture de sport l’est toujours et s’incarne aujourd’hui merveilleusement au travers du diminutif objet de bonheur qu’est l’Exige S. Il n’y a pas lieu de douter de sa philosophie puisqu’en prenant place derrière le volant de ce bolide, on se demande aussitôt pourquoi d’autres voitures aux prétentions sportives accusent un poids inutilement élevé. Avant de faire ce genre de constatation, il faut d’abord réussir à se glisser aux commandes, ce qui est loin d’être une sinécure. Une fois en place, le sentiment d’étroitesse que confère le poste de pilotage, car il s’agit bien de pilotage et non de conduite, donne déjà le ton avant même d’avoir fait un premier tour de roue.

 

Si les 189 chevaux de la petite soeur décapotée Elise vous laisse sur votre faim, l’Exige S est pour vous, avec pas moins de 257 équidés dans sa plus démoniaque version. Il va sans dire que s’endormir au volant de cette dernière est aussi probable que la parution d’un album duo de Ginette Reno et Ozzy Osbourne. Rappelez-vous que le poids est comparable à celui d’une Smart. L’usage intensif d’aluminium et de matériaux composites rend possible ce tour de force en plus de conférer à l’ensemble une rigidité de bon aloi. Autant la tenue de route que les accélérations y gagnent. Est-ce bien nécessaire de préciser qu’on se croirait à bord d’un go-kart ? Sur piste c’est la joie, tout simplement. Sur la route par contre, c’est un peu comme sortir avec une top-modèle qui ferait chambre à part, puisqu’il est impossible et même frustrant de ne pouvoir profiter de ses qualités dynamiques. La direction non assistée est au nombre des caractéristiques qui rendent l’expérience de conduite si directe, mais qui ne font pas nécessairement bon ménage avec le train-train quotidien. Idem pour les pneumatiques qui cognent durement dans l’habitacle, mais qui mordent au bitume très longtemps. La limite d’adhérence est toutefois subtile et le pilote non averti devra savoir qu’avec une configuration à moteur central, il faut éviter de relâcher l’accélérateur en virage sans quoi le train arrière décroche parfois promptement.

Pour ainsi dire, ces jolis bolides au tempérament bouillant ne peuvent être considérés comme autre chose que des jouets. Si sa belle gueule d’exotique et son pedigree de sportive sont sur le point de vous faire craquer, il faut vous rappeler que la visibilité est médiocre, le bruit envahissant et que l’hiver on oublie. Pour s’éclater quelques heures par contre, il est difficile, voir impossible de trouver une voiture de route se rapprochant autant d’une voiture de course, mais encore faut-il avoir les moyens de s’amuser à ce point.

Daniel Charette


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